Votre employeur a commis des fautes qui rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail ? Ne restez pas passif, agissez et demandez la résiliation judiciaire de votre contrat de travail ! Voici la procédure à suivre, les démarches à accomplir et les sommes que vous pourrez obtenir.
- Tout d’abord, la résiliation judiciaire du contrat de travail, c’est quoi ?
La résiliation judiciaire permet au salarié de ne pas rester impuissant face aux agissements de son employeur et de solliciter le juge afin qu’il prononce la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Et, si cette demande prospère, le salarié pourra obtenir le paiement des indemnités de licenciement et des allocations chômage.
- Quelles sont les conditions de la résiliation judiciaire du contrat de travail ?
La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail peut être formée par le salarié protégé comme par le salarié non protégé, en CDI ou CDD, à condition de ne pas être en période d’essai.
À l’identique de la prise d’acte, le salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit justifier de « manquements graves de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail » (1).
À titre d’exemple, a été jugée comme justifiant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par le salarié :
- L’absence de paiement de l’intégralité des heures supplémentaires dues au salarié (2),
- L’absence de paiement d’une prime d’ancienneté (3),
- Des faits de harcèlement moral (4),
- Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat (5),
- La méconnaissance du principe d’égalité (6),
- Le refus de fournir du travail au salarié (7),
- Le non-respect du repos hebdomadaire (8)
En revanche, n’a pas été retenue comme constitutive de manquements suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur :
- La modification unilatérale du contrat de travail si celle-ci ne préjudice pas au salarié (9),
- Les faits de harcèlement moral s’ils sont anciens et ont cessés (10),
- Un retard de quelques jours seulement dans le paiement du salaire
- (11),
- Une erreur dans le calcul d’une prime (12),
- Un manquement ponctuel de l’employeur (13)
- Un manquement résultant d’une erreur administrative ou organisationnelle (14).
- Quelle est la procédure à suivre ?
- Saisir le Conseil de prud’hommes
Le salarié doit saisir le conseil de prud’hommes qui décidera si les manquements invoqués sont de nature à justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. Le salarié devra donc rapporter la preuve d’une part que les faits qu’il invoque sont établis et, d’autre part, qu’ils sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur. Celui-ci tentera, quant à lui, de remettre en cause l’existence des faits qui lui sont reprochés et, le cas échéant, de minimiser leur gravité.
Le juge forgera sa conviction au regard de l’ensemble des éléments produits aux débats par chacune des parties.
- Maintien du contrat de travail pendant la procédure
Le salarié devra, pendant toute la durée de la procédure et jusqu’à ce que le juge se prononce sur sa demande, poursuivre l’exécution de son contrat selon ses conditions de travail habituelles.
Le salarié peut donc se retrouver dans une situation délicate puisqu’il est tenu de poursuivre l’exécution de son contrat de travail alors qu’il a assigné son employeur devant le conseil de prud’hommes aux fins de lui voir imputer la responsabilité de la rupture de son contrat de travail.
C’est pourquoi la loi du 1er juillet 2014 est venue imposer au Conseil de prud’hommes statuant sur une demande de qualification de la rupture du contrat de travail de statuer sur celle-ci dans un délai d’un mois.
Que se passe-t-il si le salarié est licencié après avoir demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ?
Le salarié qui, comme on l’a vu, est tenu de poursuivre l’exécution de son contrat de travail pendant la durée de la procédure peut donc, entre le jour où il saisir le Conseil de prud’hommes et le jour où celui-ci statue, être licencié.
Dans une telle hypothèse, les juges examineront, selon un ordre chronologique, d’abord la demande de résiliation du contrat de travail et, si et seulement si cette demande n’est pas justifiée, le bien-fondé du licenciement (15).
Ainsi, si la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par le salarié est jugée bien fondée, elle produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le licenciement, prononcé par la suite sera considéré comme n’ayant jamais existé.
Les sommes éventuellement versées par l’employeur à raison du licenciement du salarié donneront donc lieu à un remboursement ou pourront se compenser avec les sommes dues par l’employeur au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail.
En revanche, si la demande en résiliation judiciaire est écartée, le juge examinera, le bien-fondé du licenciement du salarié.
Que se passe-t-il si le salarié démissionne après avoir demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ?
Lorsque le salarié après avoir saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail démissionne avant que le juge ne se soit prononcé sur sa demande, cette démission pourra, si elle est expressément motivée par les manquements de l’employeur, être requalifiée en prise d’acte et emporter les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui permettra au salarié de bénéficier des indemnités de licenciement et des allocations chômage.
En revanche, si la démission ne comporte aucun motif ou est justifiée par des considérations étrangères aux manquements de l’employeur, elle prendra pleinement effet et la demande en résiliation judiciaire sera jugée sans objet (16).
Dans une telle hypothèse, le salarié sera privé des indemnités de licenciement et des allocations chômage.
Il est donc vivement conseillé au salarié qui ne peut pas attendre que le juge statue sur sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et souhaite rompre au plus vite son contrat, de justifier son départ par les fautes de son employeur.
- Quelles sont les conséquences de la résiliation judiciaire du contrat de travail ?
- En cas de succès de l’action intentée par le salarié
Si le juge estime que les manquements reprochés par le salarié à son employeur sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les mêmes effets qu’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Résiliation judiciaire du contrat de travail: date d’effet
Lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet de la rupture du contrat de travail est fixée à la date du jugement (17) sauf si le contrat de travail s’est poursuivi après cette décision (18).
Et, lorsque la résiliation judiciaire est suivie d’un licenciement, ce qui est possible puisque le salarié poursuit l’exécution de son contrat de travail jusqu’à ce que le juge statue sur sa demande, la date de la rupture du contrat de travail sera fixée au jour de l’envoi de la lettre de licenciement (19).
- Indemnités
En cas de succès de l’action exercée par le salarié, la résiliation judiciaire de son contrat de travail emportera les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié pourra donc solliciter le paiement des indemnités légales de licenciement, les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et bénéficier des allocations chômage.
S’il s’agit d’un salarié protégé, la prise d’acte aura les effets d’un licenciement nul et le salarié aura, en sus, droit au versement d’une indemnité pour violation du statut protecteur, égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection dans la double limite de deux ans et de 30 mois de salaire.
L’ancienneté du salarié, nécessaire au calcul de ces indemnités, s’appréciera à la date du jugement prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail.
- Remise des documents de fin de contrat
L’employeur devra remettre au salarié :
- Un certificat médical
- Une attestation Pôle emploi
- Un solde de tout compte
- Lorsque le salarié à adhérer à des mécanismes de participation, d’intéressement, de plan épargne salariale, l’employeur devra lui remettre un état récapitulatif des sommes et valeurs mobilières épargnés.
- En cas d’échec de l’action intentée par le salarié
Si le juge considère que le salarié n’établit pas suffisamment la matérialité des faits reprochés à son employeur ou que ceux-ci, bien qu’établis, ne sont pas suffisamment graves pour emporter rupture immédiate du contrat de travail, le contrat de travail sera maintenu et le salarié devra poursuivre, selon ses conditions habituelles, l’exécution de son contrat de travail.
Certes, l’action judiciaire en rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, exercé par le salarié, pourra emporter dégradation de ses conditions de travail, mais l’employeur ne pourra procéder au licenciement aux motifs que le salarié à solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail (20).
Bien que moins risqué que la prise d’acte en ce qu’elle n’emporte pas rupture immédiate du contrat de travail, la résiliation judiciaire ne doit pas être prise à la légère dès lors qu’en cas d’échec, le salarié sera contraint de poursuivre l’exécution de son contrat de travail dans une ambiance bien souvent désagréable.
Références
1.Soc., 26 mars 2014, n° 12-35.040
2. Soc., 26 janvier 2017, n° 15-24.985
3. Soc., 25 janvier 2017, n° 15-28.634
4. Soc., 11 décembre 2015, n° 14-15.670 ;
5. Soc., 8 juin 2017, n° 16-10.458
6. Soc., 23 mars 2011, n° 09-70.607
7. Soc., 24 janvier 2007, n° 05-41.913
8. Soc., 7 octobre 2003, n° 01-44.635
9. Soc., 26 mars 2014, n° 12-35.040
10. Soc., 26 octobre 2017, n° 16-17.992
11. Soc., 9 mars 2016, n° 15-10.804, Soc., 20 octobre 2015, n° 14-18.595
12. Soc., 3 juin 2009, n° 08-41.021
13. Soc., 28 octobre 2014, n° 13-16.821
14. Soc., 26 mars 2014, n° 12-350.40
15. Soc., 31 janvier 2018, n° 16-19.902 et n° 16-20.085
16. Soc., 30 avril 2014, n° 13-10.772
17. Soc., 11 janvier 2007, n° 05-40.626
18. Soc., 13 novembre 2014, n° 13-17.595
19. Soc., 6 février 2019, n°17-26.562
20. Soc., 3 février 2016, n° 14-18.600