Le contrat de travail du salarié, et les éléments qui y sont mentionnés ne sont pas figés dans le temps et peuvent, en raison d’une pluralité de facteurs, être amenés à évoluer. Prudence toutefois puisque si le pouvoir de direction de l’employeur lui permet de modifier unilatéralement les conditions de travail du salarié et de licencier le salarié refusant de se soumettre à ces changements il ne peut, en revanche, pas modifier les éléments essentiels du contrat de travail sans l’accord du salarié, sauf à s’exposer au paiement de dommages et intérêts et d’indemnité de licenciement.
Quels sont les éléments qui peuvent être modifiés unilatéralement par l’employeur ? Quelles sont les conséquences du refus du salarié ? Quelles sont les conséquences du refus du salarié ? Et de la modification illégale imposée au salarié ? Cet article aidera le salarié comme l’employeur à connaitre leur droit en la matière.
- Quelles sont les modifications qui peuvent être imposées par l’employeur ?
Cette question, d’apparence simple, recouvre une réalité bien plus complexe puisqu’elle implique de distinguer ce qui relève des conditions de travail du salarié d’une part, des éléments essentiels de son contrat de travail d’autre part.
En effet, si l’employeur peut modifier, sans crainte, les conditions de travail du salarié, il ne peut modifier les éléments essentiels du contrat de travail sans l’accord du salarié, sauf à s’exposer au paiement de plusieurs indemnités qui peuvent, selon l’ancienneté du salarié et le montant brut de sa rémunération, peser lourdement sur le portefeuille de la société (1).
De manière générale, les éléments qui relèvent de l’essence même du contrat de travail et ceux qui sans être, par leur nature, essentiels, ont toutefois été caractérisés comme tel par les parties, ne peuvent pas être modifiés unilatéralement par l’employeur peu important que les modifications proposées soient favorables au salarié (2).
Tout autre élément appartiendra à la catégorie des conditions de travail du salarié et pourra être modifié unilatéralement par l’employeur (sauf s’il s’agit d’un salarié protégé). Ce sont les éléments de la relation contractuelle d’importance moindre dont la modification n’emporte pas de lourdes conséquences pratiques et organisationnelles pour le salarié.
Si certains éléments sont faciles à classer dans l’une ou l’autre de ces catégories: conditions de travail ou éléments essentiels du contrat de travail, certains sujets sont plus ambigus.
Dans une telle hypothèse, il s’agira de se déterminer en tenant compte de l’importance de la modification imposée par l’employeur.
- Peut-on modifier la rémunération du salarié ?
La rémunération, les fonctions et le temps de travail du salarié relèvent de l’essence même du contrat de travail de sorte qu’ils ne peuvent être modifiés sans l’accord, exprès, du salarié.
L’employeur ne peut donc pas modifier unilatéralement la rémunération du salarié peu important que celle-ci ait pour effet de l’augmenter (3).
Par ailleurs, toute modification du contrat de travail (temps de travail, fonctions…) qui emporterait bouleversement dans la rémunération du salarié ne peut être mise en place sans son accord.
- Peut-on modifier les fonctions du salarié ?
À l’identique de la rémunération, la fonction constitue l’essence même du contrat de travail de sorte qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une modification unilatérale par l’employeur (4).
L’employeur ne peut donc pas réduire ou augmenter les fonctions du salarié, peu importe que sa rémunération soit maintenue. Il peut toutefois confier au salarié, sans son autorisation, de nouvelles missions dès lors que celles-ci entrent dans sa qualification professionnelle.
- Peut-on modifier le temps de travail du salarié ?
Le temps de travail du salarié ne peut pas être modifié de manière unilatérale par l’employeur puisqu’une telle modification emporterait, nécessairement, modification de sa rémunération du salarié.
- Peut-on modifier les horaires de travail du salarié ?
Les horaires de travail du salarié peuvent, dans une certaine mesure, être modifiés sans son accord.
Si la modification est raisonnable et n’emporte pas d’importants bouleversements dans la vie professionnelle et personnelle du salarié, elle pourra être imposée par l’employeur.
Il en va différemment si la modification imposée est lourde de conséquences et trouble l’équilibre organisationnel du salarié.
Les juges considèrent ainsi que le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit, ou inversement (5), d’un horaire fixe à un horaire variable (6) ou d’un honoraire continu à un horaire discontinu (7) constitue des modifications du contrat de travail qui ne peuvent, en principe, pas être imposée au salarié.
De la même manière, si l’employeur impose au salarié de réaliser 9 heures de travail par jour alors qu’il a été embauché pour effectuer 8 heures par jour, il s’agira d’une modification d’un élément essentiel du contrat de travail tenant au temps de travail soumise à l’accord du salarié.
En revanche, les modifications ponctuelles ou mineures sans diminution de rémunération seront considérées comme une modification des conditions de travail.
À titre d’exemple, si l’employeur impose au salarié de modifier ses horaires, c’est-à-dire de débuter sa journée à 9h et non plus à 10 h et de la terminer à 17 h en lieu et place de 18h, il s’agira d’une modification de ses conditions de travail qui pourra être modifiée sans l’accord du salarié (sauf si dans le contrat de travail, les horaires de travail ont été indiqués comme constituant un élément essentiel de la relation professionnelle).
Attention : les ordonnances dites « Macron » ont permis l’aménagement de la durée de travail ,de la rémunération du salarié et la mise en place de mobilité professionnelle par accord d’entreprise lorsque cela répond à des nécessités de fonctionnement de l’entreprise. Cet accord s’impose au salarié et pourra donc emporter modification de son contrat de travail. Le salarié pourra refuser sous un mois et, dans cette hypothèse, faire l’objet d’un licenciement.
- Peut-on modifier le lieu de travail du salarié ?
Le lieu mentionné dans le contrat de travail a, selon les juges, une valeur informative de sorte qu’il est généralement considéré comme relevant de la catégorie des conditions de travail dont la modification par l’employeur n’est pas soumise à l’accord du salarié.
Cela est d’autant plus vrai lorsque le contrat de travail prévoit une clause de mobilité. Par cette clause, le salarié accepte d’évoluer sur le territoire de sorte que le lieu de travail ne constitue pas un élément essentiel.
Attention : si la clause de mobilité prévoit un secteur restreint, la modification du lieu de travail en dehors de ce secteur pourra être considérée comme une modification du contrat de travail subordonné à l’accord du salarié.
Le lieu de travail pourra également être considéré comme un élément essentiel du contrat de travail lorsqu’il aura été mentionné comme tel dans ledit contrat ou en raison de l’ampleur de la modification du lieu de travail.
Ainsi, le changement de lieu de travail du salarié, d’une ville à une autre, dans la même agglomération sera, généralement, considéré par les juges comme une modification des conditions de travail non subordonné à l’accord du salarié tandis que la modification du lieu de travail d’une région a une autre pourra (faute de clause de mobilité en ce sens) être considérée comme une modification substantielle du contrat de travail).
- Peut-on modifier le contrat de travail du salarié protégé ?
Non, le salarié protégé est intouchable.
En effet, si l’employeur peut modifier les conditions de travail d’un salarié sans son accord, il n’en va pas ainsi en présence d’un salarié protégé. En effet, aucune modification, fût-elle anodine ou favorable au salarié protégé ne peut être mise en place sans son accord, sauf à s’exposer au paiement de dommages et intérêts.
Le salarié protégé pourra donc s’opposer à toute modification, même anodine, de ses conditions de travail(8).
- Le salarié peut-il refuser la modification de son contrat de travail ?
La modification des conditions de travail du salarié relève du pouvoir de direction de l’employeur de sorte que le salarié ne pourra, sauf s’il démontre que cette modification porte une atteinte à sa vie privée et familiale, s’y opposer.
Et, le refus du salarié l’exposera à une sanction disciplinaire qui pourra aller jusqu’à son licenciement.
En revanche, l’employeur ne pourra pas procéder à la modification des éléments essentiels du contrat de travail du salarié sans son accord.
Attention : L’accord du salarié à la modification de son contrat de travail doit être exprès. Autrement dit, la poursuite, par le salarié, de son contrat de travail selon les nouvelles conditions imposées par son employeur ne caractérise pas son accord à de telles modifications de sorte qu’il pourra toujours agir en contestation.
L’employeur doit donc se méfier de l’eau qui dort puisque le salarié qui poursuit l’exécution de son contrat de travail en tenant compte des modifications qui lui ont été imposées pourra agir contre son employeur en raison de ces modifications.
Il est donc vivement conseillé à l’employeur de solliciter l’accord écrit du salarié à la modification proposée.
Le salarié peut donc s’opposer à la modification des éléments essentiels de son contrat de travail. Dans cette hypothèse, l’employeur ne pourra pas procéder au licenciement du salarié à raison de son refus de faire droit à la modification ainsi proposée.
En effet, le refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail ne constitue pas, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement (9).
En revanche, l’employeur pourra procéder au licenciement du salarié pour le motif l’ayant contraint à proposer la modification du contrat de travail litigieuse : licenciement économique ou pour motif personnel.
Autrement dit, si l’employeur ne peut licencier le salarié au motif qu’il a refusé la modification de son contrat de travail, il peut le licencier pour le même motif que celui l’ayant contraint à imposer une modification du contrat de travail au salarié.
Le salarié doit donc s’enquérir de la raison pour laquelle l’employeur souhaite modifier son contrat de travail et déterminer si ce motif est sérieux. Dans une telle hypothèse, il doit être conscient que son refus pourra emporter son licenciement.
A l’inverse, si l’employeur modifie le contrat de travail du salarié sans son accord et sans motif légitime sérieux, celui-ci pourra saisir le conseil de prud’hommes pour retrouver son cadre de travail initial ou solliciter la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur.
Références
- , 29 novembre 2011, n° 10-19.435
- , 2 mars 2016, n° 14-16.414
- , 8 juin 2016, n° 15-10.116
- , 29 janvier 2014, n° 12-19/479
- , 11 juillet 200, n° 06-41.537
- ,14 novembre 2000, n° 98-42.218
- , 3 novembre 2011, n° 10-30.033
- , 1er février 2017, n° 15-24.047
- , 8 juin 2011, n° 09-65.436