Un salarié vous informe qu’il prend acte de la rupture de son contrat de travail ? Pas d’affolement, ce sont les risques du métier ! Voici toutes les informations dont vous aurez besoin pour sortir indemne de cette situation, la procédure à suivre, les démarches à accomplir, les petites choses à éviter et surtout les indemnités que vous devrez verser… ou non !
- Tout d’abord, la prise d’acte c’est quoi ?
Il s’agit d’un mode de rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié. Ainsi, le salarié qui s’estime victime de manquements de la part de son employeur peut, par la prise d’acte, quitter son poste de travail et rompre, sans préavis, son contrat. Il devra ensuite saisir le juge afin qu’il se prononce sur les conséquences de cette rupture : licenciement sans cause réelle et sérieuse ou démission.
La prise d’acte place donc l’employeur dans une situation délicate puisqu’il se trouve soudainement privé d’un salarié et devra se confronter à une procédure prud’homale.
Cette procédure pourra toutefois se retourner contre le salarié et évoluer en faveur de l’employeur. En effet, si le juge estime que les manquements invoqués ne sont pas suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, aucun centime ne sera alors dû au salarié.
- Que faire face à une prise d’acte ?
- Remettre les documents de fin de contrat
Dès lors que l’employeur prend connaissance de la prise d’acte, le contrat de travail se trouve rompu et le salarié ne pourra pas revenir sur sa décision et la rétracter. Le salarié peut donc quitter l’entreprise sans avoir à respecter un préavis.
L’employeur sera donc tenu, à cette date, de remettre au salarié les documents de fin de contrat, c’est-à-dire :
- Un certificat de travail
- L’attestation Pôle emploi
- Un reçu pour solde de tout compte
- L’état récapitulatif de l’épargne salariale du salarié si celui-ci à adhérer à des mécanismes d’intéressement et de participation.
Il est par ailleurs vivement conseillé à l’employeur de rédiger un courrier dans lequel il s’explique sur les griefs reprochés par son salarié. Ce courrier pourra en effet venir au soutien de l’argumentation développer postérieurement devant le conseil de prud’hommes et témoigner de l’attitude conciliante de l’employeur.
- Contester la matérialité ou la gravité des faits reprochés par le salarié
Le salarié qui prend acte de la rupture de son contrat de travail sera, après avoir notifié cette décision à son employeur, tenu de saisir le conseil de prud’hommes afin qu’il statue sur les conséquences de cette prise d’acte : licenciement sans cause réelle et sérieuse ou démission.
Si les griefs invoqués par le salarié s’avèrent suffisamment graves, la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’employeur sera tenu au paiement des indemnités en découlant.
En revanche, lorsque les faits seront jugés non établis ou insuffisants à justifier la rupture du contrat de travail, la prise d’acte produira les effets d’une démission et aucune indemnité ne sera due au salarié. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements qu’il allègue.
Pour des exemples de manquement jugé suffisamment graves, et d’autres, jugés insuffisants : ici.
Ainsi, l’employeur qui, pour des raisons économiques ou psychologiques ne souhaitent pas verser le moindre denier au salarié devra s’atteler, devant le conseil de prud’hommes, à soutenir que les manquements reprochés par le salarié ne sont pas établis, ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
À ce titre, il devra s’expliquer précisément sur chacun des griefs invoqués par le salarié pour démentir leur réalité ou atténuer leur gravité en replaçant par exemple les faits dans leur contexte.
Il est vivement conseillé à l’employeur d’adopter à l’égard du salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail, une attitude bienveillante afin de contrebalancer l’image négative que tentera de dépeindre le salarié.
Certes, face à une prise d’acte l’employeur pourra être tenté de renvoyer la balle au salarié et de procéder à son licenciement. Une telle attitude, sauf à manifester la soif de vengeance de l’employeur, ne sera d’aucune utilité en raison du principe selon lequel rupture sur rupture ne vaut.
Mettre en demeure le salarié de reprendre son poste de travail ou d’effectuer un préavis ne sera pas plus utile puisque, au jour où l’employeur prend connaissance de la prise d’acte du salarié, le contrat se trouvera irrémédiablement rompu.
Pour cette même raison, l’employeur ne sera pas tenu de régulariser les manquements reprochés par son employeur. Une telle régularisation permettra toutefois à l’employeur de témoigner sa bienveillance et d’affaiblir les propos du salarié : la gravité des manquements sera nécessairement plus difficile à reconnaître s’ils sont disparus !
- Quelles indemnités devront être versées au salarié ?
Comme on l’a vu, si les griefs invoqués par le salarié s’avèrent suffisamment graves, la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’employeur sera tenu au paiement des indemnités en découlant : indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, indemnité légale ou conventionnelle de licenciement et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
S’il s’agit d’un salarié protégé, la prise d’acte aura les effets d’un licenciement nul et le salarié aura, en sus, droit au versement d’une indemnité pour violation du statut protecteur, égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection dans la double limite de deux ans et de 30 mois de salaire.
L’ancienneté du salarié, nécessaire au calcul de ces indemnités, s’appréciera à la date de notification de la prise d’acte, peu important que le salarié soit resté dans l’entreprise notamment pour effectuer une période de préavis.
En revanche, lorsque les faits seront jugés non établis ou insuffisants à justifier la rupture du contrat de travail, la prise d’acte produira les effets d’une démission et aucune indemnité ne sera due au salarié.
Bien plus, si le salarié n’a pas exécuté son préavis, ce qui est souvent le cas lorsqu’il prend acte de la rupture de son contrat de travail, vous pourrez solliciter le paiement, d’une indemnité compensatrice de préavis.
Vous l’aurez compris, la prise d’acte, si elle est menée avec succès par le salarié, pourra s’avérer lourde de conséquences pour l’employeur. Il lui est donc vivement conseillé de ne pas affronter seul cette situation et de s’entourer des conseils d’un professionnel du droit du travail.